Entrez dans le logis parfaitement restauré de l'ancienne « maison de retenue » de la Grande Bintinais pour y découvrir cinq siècles d'histoire de Rennes et sa campagne.
Raconter l’histoire de Rennes à travers celle d’une ferme peut paraître surprenant… et pourtant, La Bintinais est un site emblématique pour la capitale bretonne, qui est restée jusqu’au début du 20e siècle, une ville à la campagne. Enfermée dans son étroite enceinte médiévale, la ville occupait à peine 10% du territoire de la commune au début du 19e siècle.
C’est ce qu’explique le premier espace en préambule de l’exposition, à l’appui de nombreuses cartes et photos aériennes. Formation des faubourgs le long des grandes routes d’accès à la ville-centre, développement des quartiers au fil du 20e siècle… Autant de réalités historiques à connaître pour mieux saisir la force du lien ville/campagne à l’œuvre ici.
L’étage de la « maison de retenue » de la Bintinais était occupé par un appartement réservé aux propriétaires. Cette pratique est très courante autour de Rennes, et emblématique de la relation des urbains et des ruraux. Le loyer de la ferme était payé à moitié en argent et à moitié en nature : produits de la ferme, bois de chauffage, mais aussi transport à cheval pour des propriétaires qui ne pouvaient pas avoir d’écurie en centre-ville…
Un spectacle audiovisuel immersif est présenté dans cet espace, et permet aux visiteurs de parcourir quatre siècles d’histoire des lieux, en suivant les vies des propriétaires, fermiers et journaliers qui se sont succédés ici, tout en découvrant une évocation de l’ambiance de cet appartement bourgeois, tellement inattendu à l’étage du logement des fermiers !
La troisième séquence de l’exposition aborde les différents aspects de la culture locale, influencée en permanence par la ville proche et ses modes, mais aussi par les riches fermiers qui tiennent les meilleures fermes et cherchent à se distinguer des urbains, par le mobilier notamment : les célèbres armoires « à double cintre » du pays de Rennes étaient l’apanage de cette élite rurale.
Habitat, cuisine, costumes, cérémonies et temps forts de la vie… autant de thématiques abordées de manière simple et attractive, pour permettre aux nouvelles générations de mieux comprendre des usages encore très actifs aujourd’hui comme la consommation massive de galettes de blé noir ou l’émondage des chênes dans le bocage.
La quatrième séquence du musée est consacrée aux matériaux de construction typiques du pays de Rennes, et notamment à la construction en terre, qui concerne une immense majorité des bâtiments agricoles encore présents aujourd’hui.
Fraîche en été, tempérée en hiver, économe en ressources et en énergie pour sa construction, la maison en terre a tous les atouts écologiques et devrait aujourd’hui apparaître comme une évidence pour la construction contemporaine ? Oui, si elle ne demandait pas autant de main d’œuvre, autrefois disponible dans les grandes fermes ou bien mobilisée par la solidarité paysanne : on a vu dans les 1930, jusqu’à 50 personnes réunies pour la construction d’un cellier !
Matériau du pauvre, la terre ? Une bonne blague pour les agriculteurs du bassin de Rennes, conscients d’exploiter les terres les plus fertiles de Bretagne ! L’architecture en témoigne avec la présence de granges massives et d’immenses étables, mais aussi de maisons paysannes où la présence de deux pièces de vie était la règle… Autant de témoins de la prospérité des campagnes rennaises.
Adaptée à leur territoire, sans cesse améliorées au fil des innovations et des modes, les techniques de construction traditionnelles vont pourtant disparaître massivement dans les années 1950, balayées par les techniques et les matériaux de la reconstruction d’après-guerre.
L’ancienne grange est occupée par la séquence consacrée aux cultures et aux pratiques agricoles. On y retrouve les notions importantes de relation ville/campagne, qui touchent encore les rennais aujourd’hui : comment se fournir en légumes et produits fermiers de qualité ? Sans les payer trop cher ! Comment bien se nourrir sans trop dépendre des prix du marché ? Les notions de circuits courts et de produits de saison ne datent pas d’hier…
S’y ajoute à Rennes la pression des propriétaires, parfois très instruits, qui poussent leurs fermiers à innover : sélection des races animales et végétales, course aux primeurs, culture de plantes fourragères qui permettent d’augmenter le nombre de vaches par exploitation… Légumes, beurre, viande et œufs : la concurrence est rude aux abords de la ville !
Il faut enfin évoquer le fabrication du cidre, une manne qui pouvait payer le fermage à elle seule, quand on savait s’y prendre pour produire le bon breuvage, correspondant au goût des cafés rennais… Au 19e siècle et jusqu’aux années 1960, c’est un fleuve de cidre qui se déverse sur la ville de Rennes, où la consommation a pu atteindre plus de 400 litres par an et par habitant avant 1900 !
La visite se termine par deux intérieurs reconstitués scrupuleusement, selon des inventaires après décès de 1866 et de 1901.
On y découvre enfin les fameux meubles ruraux du pays de Rennes, très réputés à l’instar des armoires à « double cintre » ou des tables « maies à tirette »… Les agriculteurs n’avaient pas la possibilité d’acquérir de fermes, du moins pas les plus belles exploitations, qui restaient dans le patrimoine des familles bourgeoises. C’est pourquoi les élites paysannes, qui se disputaient la location des meilleures fermes, investissaient leur argent dans les meubles : le prix des armoires par exemple, pouvait varier d’un facteur 1 à 10 !
Les pièces de vie réunissaient l’ensemble des activités : de la cuisine au sommeil, de la toilette matinale aux grands événements familiaux.
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Une coédition Bretagne Musées et KuB.